samedi 31 octobre 2009

Les Thibault, de Roger Martin du Gard


Le genre : saga familiale, bourgeoise, parisienne, psychologique.

L'histoire : dans les années 20, à Paris, les errements de deux frères, Antoine et Jacques Thibault, ainsi que de Daniel de Fontanin, ami de ce dernier.

Mon avis : Si je n'ai pas accroché, c'est parce que je ne suis pas parvenue à croire aux personnages : moins qu'un point de vue omniscient, on a plutôt le sentiment d'une succession de focalisations internes, et ne pas savoir qui est le personnage principal m'a gênée, d'autant que le récit est très psychologique. D'autre part, les personnages sont difficiles à cerner, changeants et m'ont donc peu touchée. Antoine, médecin grand frère protecteur, apparaît tour à tour sensible et prétentieux, généreux et aveugle. Jacques le petit frère neurasthénique, fou d'amour pour son ami, plein de fougue, devient muet et amoureux de la solitude quand il se fait enfermer en pension par son père, sombre et versatile quand il en sort. Daniel, le grand ami, devient un dandy. De même, les relations entre les personnages s'estompent sans que l'on sache pourquoi, et d'autres personnages prennent une importance sporadique.
De cette grande saga, je viens de terminer les trois premiers épisodes, et je vais m'arrêter là !

vendredi 30 octobre 2009

Métaphysique des tubes, d'Amélie Nothomb


Dans notre pays pétri de prétention, aimer la littérature et aimer les livres d'Amélie Nothomb est antinomique. Pourtant, Métaphysique des tubes est un pur délice ! Cette pseudo-autobiographie dans laquelle l'auteure prétend raconter sa vie entre 0 et 3 ans, période pendant laquelle elle se serait prise pour Dieu, est pleine d'humour, de finesse, d'auto-dérision, et de poésie. En outre, on y perçoit un peu du Japon, où Amélie Nothomb a vraiment passé les premières années de sa vie, avec le regard naïf d'un enfant, et cela a aussi largement contribué au plaisir de ma lecture.

mercredi 28 octobre 2009

Des Fleurs pour Algernon, de Daniel Keyes


Voilà un gentil roman de science-fiction, lisible à l'adolescence, mais qui a de quoi séduire les adultes aussi ! C'est l'histoire d'un simple d'esprit, dans une époque proche de notre avenir, que l'on convaint de tenter une expérience scientifique destinée à le rendre plus intelligent. On assiste à l'évolution du garçon, grâce au journal intime qu'il écrit : plein de fôttes, un style enfantin, un regard naïf sur le monde, son récit reflète peu à peu l'évolution de son esprit à la suite de son expérience. Mais bien évidemment, tout ne se passe aussi bien que prévu...

dimanche 25 octobre 2009

Le Dahlia noir, de James Ellroy


J'ai découvert James Ellroy et Le Dahlia noir à une époque où je ne lisais pas encore de polars. C'en est un d'un genre particulier, mais sans doute est-ce par là que j'ai compris la noblesse possible de ce genre, sa profondeur.
Je me souviens encore du copain qui me l'avait prêté, avec des recommandations : il faut quelques dizaines de pages pour se mettre dedans mais après attention, à ne pas lire d'une traite, ça met dans un état second... De fait. Immersion totale, grand trouble, découverte d'un monde noir et ambigu, brutal, complexe et subtil... Au-delà de l'aspect strictement policier, j'ai aimé, et je l'ai retrouvé dans trilogie Lloyd Hopkins plus tard, le fait que les gentils avaient aussi leur part d'ombre, et que le monde du polar n'était pas manichéen !
Le Dahlia noir fait partie de ces livres que je voudrais redécouvrir comme la première fois parce qu'ils ont été une vraie révélation. J'ai presque tout lu de James Ellroy après celui-là, mais rien n'a valu ce premier contact ; j'ai même été déçu en en relisant certains. Mais en plus quand on sait que ce roman est tiré de l'histoire vraie de l'auteur (son autobiographie, Ma Part d'ombre, est bouleversante), on ne peut que sortir marqué de cette lecture.

samedi 24 octobre 2009

Une Saison blanche et sèche, d'André Brink


Ce roman qui date de 1979 raconte l'histoire d'un sud-africain, blanc, qui se rend compte peu à peu de l'horreur de l'Apartheid dans son pays. Au-delà de l'aspect historique, qui fait vivre de l'intérieur une histoire que l'on croit plus ou moins connaître, le personnage central de l'histoire est à mon avis ce qui fait l'immense valeur de ce livre.
Ce professeur qui mène une vie tranquille et privilégiée sans se poser de questions se retrouve confronté à l'injustice ; et tout le récit narre comment il ne peut pas ne pas s'impliquer, s'engager. Sorte de héros malgré lui, simplement parce qu'il veut pouvoir se regarder dans une glace, il est amené presque malgré lui à prendre des risques pour sa vie, à perdre son travail, à rompre avec sa famille, etc. Ce roman est certes un roman sur l'Apartheid, mais aussi sur l'honnêteté vis-à-vis de soi-même.

vendredi 23 octobre 2009

L'Assommoir, d'Emile Zola


Il m'a fallu du temps, pour de piètres raisons, pour me mettre à lecture de cet immense classique. Quelle claque ! Histoire atroce, bouleversante, effroyablement réaliste... On n'est pas dans le mélodramatique, on est dans l'immersion d'un milieu et d'une époque, comme un immense tableau vivant riche de détails, au travers du destin d'une femme, Gervaise, dans le Paris ouvrier de la deuxième moitié du XIXe s.
Je ne vais pas prétendre faire la critique de ce monument littéraire qui ne m'a pas attendue pour l'être ! Un peu comme quand j'ai vu de mes yeux le David de Michel-Ange à Florence, ai-je pris conscience profondément d'être en face d'un pur, parfait, total chef-d'oeuvre, sans qu'il soit possible de l'expliquer sans le réduire.

jeudi 22 octobre 2009

Le Clan des Otori, de Lian Hearn


Le genre : roman d'aventures semi-fantastique, dans le Japon mythique du XIVe s. 5 tomes.

L'intrigue : le héros principal, Takeo, est au départ un jeune paysan sauvé in extremis du massacre de son village par un seigneur, auprès duquel il va se découvrir des pouvoirs, mais aussi un rôle dans des luttes de pouvoir.

Mon avis : à dévorer en vacances ! Si la série s'essouffle vers la fin, il n'en reste pas moins que j'ai adoré surtout le contexte qui est décrit : on découvre le Japon médiéval, (malgré l'aspect fantastique du roman), ses rites, ses valeurs, sa beauté... Si l'écriture n'est sans doute pas très originale, ni la psychologie des personnages, l'ambiance (re)créée est passionnante pour qui s'intéresse au Japon. Et les aventures ne manquent ni de péripéties, de suspense, d'amours-trahisons-exploits-énigmes,etc... tous les ingrédients du roman d'aventures y sont !

mercredi 21 octobre 2009

Le grand cahier, d'Agota Kristof


Le genre : roman réaliste et tragique. (Trilogie : les deux autres tomes sont : La Preuve, et Le Troisième mensonge)

L'intrigue : deux jeunes jumeaux sont laissés par leur mère dans la ferme de leur grand-mère, une vieille femme dure, où l'intense complicité des deux frères va seule leur permettre de survivre.

Mon avis : glaçant. Je ne peux pas dire que je n'ai pas aimé, parce que j'ai dévoré les trois tomes (seul le troisième, trop alambiqué, m'a déçue), mais "aimé" ne peut pas non plus être le verbe adéquat pour une histoire aussi dure. Dans un registre différent, le film La Pianiste, de Mickael Hanecke, m'avait fait un peu le même genre d'effet : fascination et horreur. Ca vous prend à la gorge parce que c'est brutal sans pathos. Une claque froide.

mardi 20 octobre 2009

Avant la tourmente, d'Anne Perry (et suivants)

Le genre : polar historique autour de la guerre 14-18, vue du côté anglais. (5 tomes: Avant la tourmente, Le temps des armes, Les Anges des ténèbres, Les Tranchées de la haine et A la mémoire des morts)

L'intrigue : Deux frères, Joseph et Matthew Reavley, l'un aumônier et l'autre membre des services secrets britanniques, à la veille de la première guerre mondiale, se retrouvent impliqués dans un complot qui vise à empêcher l'Angleterre de s'impliquer dans le conflit européen.

Mon avis : génial ! Et les arguments ne manquent pas. D'abord, pour l'aspect historique : tout au long des cinq tomes, on vit les étapes de la guerre comme un Anglais moyen, de l'incrédulité, aux bouleversements de la vie quotidienne, aux conditions de vie de ceux qui partent se battre dans les tranchées. L'aspect policier ensuite, cette idée d'un complot mené pour empêcher puis faire perdre la guerre aux Anglais, afin de préserver la paix à n'importe quel prix, a un intérêt quasi philosophique : la question de l'honneur d'un pays, et du prix à payer, est un fil directeur constant. Même si l'on prend le parti de la guerre plutôt que de la paix, la question reste posée constamment au lecteur. Enfin, sur le plan romanesque, aucune faille non plus : les personnages sont à la fois attachants et subtils, sans manichéisme, et les péripéties ne manquent pas.
Je relis la série en ce moment, et j'aime toujours autant !

lundi 19 octobre 2009

Une Vie française, de Jean-Paul Dubois

Sorti en poche, ce roman est une pure merveille. Parce que tout y est, et que tout s'y mêle avec crédibilité et appétit. C'est drôle et triste à la fois, distrayant et instructif, banal et extraordinaire. Je ne me souviens pas avoir ressenti un tel sentiment de proximité et de voyage en même temps avec un personnage. On suit de bout en bout l'existence d'un petit garçon qui devient un homme, un mari, un amant, un artiste, un père, avec pour fil directeur des chapitres les présidents qui se sont succédé. Le contexte historique est vu d'un point de vue réaliste, subtil et jamais démonstratif. Les épisodes dramatiques ne sont jamais larmoyants et les passages comiques sont attendrissants. C'est peut-être l'humilité du personnage de Dubois qui le rend si attachant et si profond. J'envie ceux qui vont le découvrir.

La Malédiction d'Edgar, de Marc Dugain

J'avais très envie de lire ce livre. Pour l'Histoire, car cette période m'était parfaitement inconnue, et puis par attirance pour le genre littéraire choisi par l'auteur : des mémoires fictives. Question Histoire, j'ai appris des choses sur les présidents américains : mon goût des ragots a été relativement comblé. Mais pour ce qui concerne la psychologie des personnages et notamment celle des deux personnages principaux, à savoir Edgar Hoover et Clyde Tolson, j'ai été déçue. Peut-être l'ai-je mal lu ; toujours est-il que je n'ai pas l'impression d'avoir côtoyé et compris ces deux grandes figures de l'histoire des états-unis. Ils me sont restés très flous. Je ne me suis pas ennuyée, mais je n'ai pas été captivée et je n'ai pas non plus le sentiment d'avoir appris grand-chose.

San Antonio, de Frédéric Dard

J'ai une passion indélébile pour les vieux San-Antonio. Comme tout polar passant sous mes yeux, je les oublie aussitôt, en ce qui concerne l'intrigue en tout cas. Je m'y plonge régulièrement avec délices à cause de la langue.
Non seulement c'est drôle, mais c'est aussi érudit, impertinent et intelligent. Mes passages préférés sont peut-être ces lignes où, invariablement dans chaque opus, le fameux San-Antonio s'en prend directement à la bêtise de son lecteur, fustigeant ici son conformisme, là son hypocrisie, ailleurs sa bêtise. J'adore aussi tout particulièrement les scènes de séduction où les descriptions de jolies filles sont à crever de rire et où les scènes d'amour des parties de zygomatiques en l'air pas piquées des hannetons.
Quand on sait que Frédéric Dard en a publié plusieurs par an pendant des années, on ne peut qu'être émerveillé par son incomparable verbe.
J'avoue cependant ne collectionner et ne me gargariser que des oeuvres publiées jusqu'en 1972 ; il me semble qu'après cette date, l'auteur a commencé à tomber dans la vulgarité et la facilité. On ne goûte, me semble-t-il, à la véritable saveur du talent de Frédéric Dard, que dans ces écrits antérieurs à cette date. Mais il y a déjà de quoi se repaître.

Le Sang du temps, de Maxime Chattam

Sans être capable d'avancer des chiffres pour rendre mon assertion imparable, je dirais que le polar est le genre littéraire qui règne en maître au sein de l'édition mondiale depuis la deuxième moitié du XXe siècle. J'ai le sentiment que non seulement chaque pays a son auteur phare de romans policiers mais qu'on trouve toutes les époques et tous les pays sont le cadre d'une histoire, et même d'une série policière. Exemples les plus célèbres : l'Antiquité chinoise avec les enquêtes du Juge Ti et le Moyen-âge européen avec le moine Cadfaël.
Le dernier ouvrage de Chattam est à l'image de cette variété des contextes puisqu'il se passe à la fois dans l'Egypte des années 20 et à une époque très contemporaine. C'est la première qualité du roman : les deux histoires progressent parallèlement avec une grande fluidité. On lui a reproché sa lenteur : il est certain qu'on est loin de la frénésie dans l'horreur de la trilogie précédente, mais on ne s'y ennuie pas pour autant. Ce que j'ai surtout aimé dans ce thriller, c'est ce que je n'ai pas trouvé dans le Da Vinci Code lu juste avant : des personnages qui ont une consistance, une finesse psychologique, et puis un peu de poésie dans les atmosphères évoquées.
Longtemps je n'ai pas aimé les polars, qui se réduisaient dans mon esprit à des intrigues plus ou moins bien ficelées, et parfaitement dénués de qualité littéraire. Certes, on publie encore des Mary Higgins Clark ; mais il y aussi des Maxime Chattam. Et là, le polar est hissé au rang d'oeuvre littéraire.

Mes Evangiles, d'E.E Schmitt

C'est le premier ouvrage que je lis de cet auteur. Je trouvais le sujet osé : réécrire sa version des Evangiles, sans prétention, mais seulement selon sa propre vision des choses, son imagination. L'ouvrage est la réécriture d'un autre, L'Evangile selon Pilate, et cette version se veut plus incisive et davantage inspirée par une écriture théâtrale que romanesque. Il est divisé en deux parties : d'abord "La Nuit des oliviers", qui raconte à la première personne le parcours de Jésus. Puis la seconde, "L'Evangile selon Pilate", qui, sous forme de dialogue centré sur la personne de Pilate, narre la mort et la résurrection du Christ.
La première partie offre la vision assez attachante d'un Jésus dont la foi est surtout fondée sur l'humilité et le doute, et pas du tout sur des certitudes et la révélation. Le récit semble essentiellement conduit par un souci de crédibilité: les miracles de Yéchoua (Jésus) ne sont empreints d'aucun mysticisme mais presque expliqués, en tout cas vus par un oeil rationnel (rappelons que le récit est écrit en focalisation interne), comme si l'auteur, pour croire en la figure du Messie, avait souhaité le rendre parfaitement humain (Jésus est d'ailleurs le fils parfaitement naturel de Joseph et Marie). Le message d'amour est en revanche mis en valeur d'une façon assez émouvante.
La seconde partie tient moins bien la route que la première. Surtout à cause du dialogue, dont on ne comprend pas la volonté qu'a eue l'auteur de lui donner un semblant de forme théâtrale ; et cette partie cherche aussi à expliquer rationnellement le mystère de la figure du Christ et de sa résurrection. Ce qui m'a choquée surtout, c'est le langage : le vocabulaire du XXe s. qui apparaît de temps en temps mais même pas assez souvent pour sembler être un parti pris de réactualisation, fait tache.
A noter que l'ensemble est très court, mais ne me paraît pas pour cette raison gagner en force. Si la première partie est originale, la deuxième, parce qu'elle fonctionne sur les mêmes ressorts, mais en plus appuyés, est décevante.

Des Chrétiens et des Maures, de Daniel Pennac

Cinquième opus de la série des Malaussène (si je ne me trompe pas), Des Chrétiens et des Maures est dans le droit fil des aventures précédentes de l'ex-bouc émissaire. Sauf qu'il est beaucoup trop court !!
Comme d'habitude (délicieuse habitude), l'histoire est à la fois très simple et très compliquée et je n'ai de toutes façons pas l'intention de la raconter, mais l'imagination de l'auteur fait partie du plaisir de la lecture. Ce que j'y aime aussi, c'est le ton : gravement drôle, ou bien humoristiquement grave, j'hésite. En tout cas, tout cohabite avec fluidité dans les histoires de Benjamin Malaussène : le réalisme et le fantastique, le pathétique et le comique, l'émotion et le sanguinolent, j'en passe et des meilleures. J'adore les personnages des amis arabes, le chien Julius, la surprise systématique du sens du titre. C'est parfaitement fantaisiste et étonnamment crédible en même temps.
Je crois que je vais relire la série.

La Part de l'autre, d'E.E. Schmitt

Moyennement convaincue par Mes Evangiles mais poussée par l'envie d'être séduite par l'auteur français, prolixe et célèbre qu'est Emmanuel Schmitt, j'ai entamé La Part de l'autre avec curiosité et j'ai d'ailleurs lu ce pavé très rapidement. Malheureusement, je ne l'ai pas aimé.
Il s'agit de la double biographie d'Adolf Hitler depuis le résultat du concours d'entrée aux Beaux arts à Vienne, jusqu'à sa mort. Le principe qui a conduit l'auteur a été, dit-il, de montrer l'humanité du personnage et d'imaginer ce qu'il serait devenu s'il était devenu peintre.
Je viens de lire plusieurs critiques élogieuses et franchement je ne comprends pas. Que l'oeuvre ne soit pas déplaisante à lire, certes, mais c'est bien le seul agrément que l'on peut y trouver et compte-tenu de l'ambition du récit, cette qualité me paraît fort faible.
Aucun des deux récits ne m'a paru crédible : ni le récit de la vie imaginée de l'artiste Adolf H., ni celle du véritable dictateur. L'une comme l'autre m'ont paru très caricaturales. Le peintre d'abord, humble et sensible voit surtout se dérouler un destin irréprochable grâce à une psychanalyse express, radicale et grotesque par Freud himself, et par l'apprentissage d'une sexualité généreuse. Grâce à cela, Hitler exècre la guerre, vénère son grand ami homosexuel, s'épanouit en France, épouse une juive (parce qu'il adore les juifs, évidemment). Quant au véritable Hitler, aigri par son échec artistique, galvanisé par la guerre où son coeur bat seulement pour un chien errant (son envie de vengeance naît évidemment de l'assassinat insupportable dudit toutou par un obus ennemi), durci par une absence de sexualité, je ne l'ai pas non plus trouvé convaincant du tout.
Qu'Hitler soit un être humain, on n'avait pas besoin de Schmitt ni de ce roman pour l'apprendre. Que tout aurait été différent s'il avait été admis aux Beaux arts, c'est probable. Mais qu'il aurait pu ressembler à ce personnage sensible et avoir ce parcours idéal, non, on n'y croit pas. Plus grave me semble-t-il est cette mise en parallèle avec cet Hitler réel, dont l'auteur prétend nous faire la biographie intime, et qui sombre lui aussi dans la caricature.

Un an, de Jean Echenoz

La littérature contemporaine française, c'est parmi ce qui manque le plus à ma culture. Alors, quand j'ai entendu, durant mon émission culte, à savoir Le Masque et la Plume, ce nom d'auteur qui m'était déjà vaguement familier, je me suis précipitée dans ma médiathèque préférée pour lire un ouvrage de : Jean Echenoz.
J'ai choisi le plus petit, on ne sait jamais.
Eh bien, je l'ai lu vite mais je n'ai pas éprouvé de déplaisir ni de véritable plaisir. L'histoire étrange et froide de cette jeune femme qui fuit Paris et tombe dans la déchéance matérielle m'a parfois fait penser un peu à une ambiance kafkaïenne : du réalisme banal et du fantastique en même temps. Mais à part ce sentiment d'étrangeté, je n'ai rien trouvé de particulièrement attachant dans ce petit roman.

Code zéro, de Ken Follett

Un pas de plus dans la réconciliation avec Ken Follett, même si on est toujours très très loin des Piliers de la Terre, avec le thriller intitulé Code zéro.
L'intrigue, pourtant, a quelque chose d'un peu obsolète dans la mesure où, ça faisait longtemps, on retrouve l'affrontement entre les vilains soviétiques et les bons américains. Mais en fait, le contexte de la guerre froide n'est pas l'occasion d'un dithyrambe en faveur des Etats-Unis ni d'une diatribe contre les malfaisants communistes. Certes, l'auteur nous glisse quand même que c'est en espionnant l'Amérique que les russes ont réussi à être les premiers à envoyer une fusée dans l'espace, et que donc ils n'ont jamais dominé réellement cette science, mais bon. L'histoire est bien ficelée et on dévore. De quoi passer un bon week-end en s'aérant la tête.

Une Voix dans la nuit, d'Armistead Maupin

Je ne connais rien de meilleur qu'être plongée dans un livre. Il y a dans certains plaisirs de lecture une intensité dont je ne sais aucun équivalent. Le roman de Maupin, Une Voix dans la nuit, m'a absorbée de façon dense et délicieuse. Ce n'est sans doute pas un chef d'oeuvre révolutionnaire mais il y a une magie certaine dans ce livre.
L'histoire, écrite à la première personne, raconte l'histoire d'un écrivain relativement célèbre qui vient de se faire plaquer par l'homme de sa vie et qui fait la connaissance d'un jeune garçon. Ce dernier est malade du sida à la suite de traumatismes effroyables subis dans son enfance par ses propres parents. Comme il habite à l'autre bout des Etats-Unis, les deux personnages construisent une amitié téléphonique, jusqu'à ce que le narrateur commence à douter de l'existence réelle de l'enfant.
L'originalité du roman réside essentiellement dans le fait qu'il mêle une intrigue sentimentale assez traditionnelle à un véritable thriller. Le cocktail est émouvant et captivant. A lire !

Lunar Park, de Bret Easton Ellis

Difficile de parler de ce livre. Il est inclassable : si la première partie est clairement autobiographique, le roman proprement dit est d'une teneur beaucoup plus vague et dérangeante, ce qui participe grandement de son charme.
Au début, l'auteur raconte son parcours d'écrivain et c'est déjà captivant parce qu'il retrace son fulgurant succès parallèlement à sa déchéance personnelle, avec une simplicité et un détachement déconcertants par rapport à l'énormité de ce qu'il raconte. Ensuite démarre une histoire à la fois étrange et familière. Il est toujours Bret Easton Ellis, et la narration continue à s'apparenter à de l'autobiographie, mais interviennent des événements surréalistes pour ne pas dire complètement fous.
Dans Crash, de Ballard, il y avait déjà ce mélange singulier de réalité et de fiction, notamment à cause du fait que l'auteur se mettait en scène en utilisant son propre nom pour le personnage principal, et que les événements ne semblaient pas tout à fait futuristes. Le lecteur est fortement dérouté par cette limite indécise entre vérité et fiction et ce principe est omniprésent dans le récit d'Ellis. Sa lecture est une expérience complètement nouvelle.
Sans doute est-ce pour cette raison que cet auteur est parfaitement moderne : l'incertitude entre les mondes réel et virtuel, entre la vie privée et la vie publique, est indubitablement le phénomène le plus emblématique du XXIe siècle. Les notions d'intimité et de réalité sont en plein bouleversement avec l'importance grandissante du monde virtuel, qui existe de plus en plus.
Le livre d'Ellis est donc déroutant et passionnant.

Moins que zéro, de Bret Easton Ellis

Dopée par la lecture du dernier ouvrage de Bret Easton Ellis, j'ai voulu lire le premier. Il était étudiant lorsqu'il a écrit ce récit qui narre la période de congé d'un... étudiant qui rentre chez lui. Pendant plusieurs semaines, ce ne sont qu'histoires de sexe et de drogue dans un milieu où personne n'a rien à perdre, où la vie est beaucoup trop aisée pour avoir une quelconque saveur.
Je suis loin d'avoir été séduite comme je l'ai été par Lunar Park, mais j'ai lu Moins que zéro sans déplaisir. L'histoire en elle-même est assez peu intéressante ; en revanche la froideur de la narration m'a fait penser une fois de plus à Crash de Ballard. On retrouve dans ces deux récits des personnages glaçants, qui ont "tout pour être heureux", pour avoir sinon une vie facile, au moins une vie banale, et qui essaient des plaisirs extrêmes et malsains, sans pour autant réveiller leur sensibilité.
J'ai un peu pensé aussi à L'Attrape coeurs, de Salinger, mais ce qui est troublant, c'est qu'il y a cinquante ans, le jeune bourgeois américain de 18 ans était révolté par le manque de tendresse et qu'il cherchait partout un peu de passion. Avec Bret Easton Ellis, (comme avec Ballard), il semblerait qu'il n'ait rien trouvé.

La Maladie de Sachs, de Martin Winckler

Ma frénésie de lecture a connu un moment d'arrêt lors de La Maladie de Sachs. Non pas que j'ai eu véritablement du mal à le lire, mais cela m'a pris du temps, par manque de passion.
J'avais beaucoup aimé Les Trois médecins, publié après, mais racontant la vie de Bruno Sachs avant La Maladie de Sachs (on se croirait dans Star Wars !). J'avais bien aimé que selon les chapitres, les narrateurs soient différents et même si j'avais trouvé l'ensemble un peu embrouillé, et le rapprochemement avec Les Trois Mousquetaires finalement un peu ténu, l'histoire m'avait séduite.
La Maladie de Sachs utilise aussi cette technique de la multiplication des points de vue puisque les chapitres sont des épisodes médicaux racontés par les patients, la voix du personnage principal n'intervenant que rarement. J'ai eu du mal à identifier, à plusieurs reprises, les "je" qui prennent la parole et qui s'adressent à la deuxième personne au médecin. Cela m'a paru long, aussi. Le gentil et révolté médecin ne m'a pas semblé mériter ces 600 pages.
A noter que Martin Winckler a un site internet et que s'il lui sert ouvertement d'autopromotion, on peut y trouver aussi des informations médicales intéressantes.

L'Or et la cendre, d'Eliette Abécassis

"Grand thriller métaphysique" dit la quatrième de couverture... C'est sans nul doute le but poursuivi par l'auteur, mais franchement, je n'ai pas marché.
Je ne suis pas sûre qu'un polar puisse prétendre à être autre chose qu'un polar ; en d'autres termes, je ne crois pas qu'un bon polar puisse être en même temps un essai philosophique, une dissertation théologique. Dans la première partie, les longues digressions répétitives sur l'amour m'avaient déjà agacées : non pas que je les trouve ridicules mais surtout lourdes, longues et incongrues. Mais dans la deuxième partie, les longues pages métaphyiques, spirituelles, exaltées, je les ai carrément trouvées insupportables. Tout cela pour finir en eau de boudin, dans le flou artistique, vaguement fantastique. Je crois que j'avais trouvé Qumran, le premier ouvrage de l'auteur, assez bavard, lourdement érudit, mais pas à ce point là.
Je crois décidément que l'art du polar, loin d'être simple, c'est l'art de l'action et de la concision.

L'hôtel New Hampshire, de John Irving

Ce roman ne vaut peut-être pas Une prière pour Owen, L'Oeuvre de Dieu la part du diable ou Le Monde selon Garp mais on retrouve les ingrédients des fresques de John Irving.
Ses romans valent pour leur fantaisie d'une part et d'autre part pour la légereté avec laquelle ils abordent des thèmes graves ; ici la mort, le suicide, l'inceste. Pour le foisonnement des idées, je pense un peu à Pennac (que je préfère à Irving !). La quatrième de couverture vante le côté "hilarant" du récit, ce qui est à mon avis très exagéré. Mais si l'on aime les voyages, les personnages pittoresques et les aventures familiales bizarres, on est servi.

Danseur, de Colum mc Cann

Ce récit retrace, de façon romancée, la vie de Rudolf Noureïev.
Je l'ai lu sans déplaisir, mais j'ai été davantage portée par la curiosité que par l'écriture. L'auteur adopte plusieurs points de vue successivement, lesquels ne sont pas toujours faciles à identifier, et c'est sans doute ce qui m'a le plus gênée à la lecture. Finalement, la personnalité de "Rudik" m'est restée floue. Il est possible que ce soit justement ce que l'écrivain cherchait à produire comme image, celle d'un individu complexe, assez insaisissable, mais j'aurais bien aimé pouvoir mieux le cerner. Il me semble qu'une part de la magie suscitée par le personnage et par son histoire extraordinaire est appauvrie par le parti pris de distance de l'auteur.

99 francs, de F. Beigbeider

Dans le désert de mes activités intellectuelles, j'avais emprunté un livre dont j'avais vaguement entendu parler, pas trop épais et écrit gros, pour renouer avec l'immersion bienfaisante dans la littérature. Raté.
Le roman de Frédéric Beigbeder raconte la vie d'un publiciste gavé de pognon et de solitude, et cherche surtout à travers ce personnage à vilipender notre détestable société de consommation. Ce récit qui se veut très ostensiblement engagé est surtout bavard et prétentieux. Il me fait penser à ces gens qui s'écoutent parler pendant des heures, se gargarisent de s'entendre prononcer des phrases pleine de mots et vides de sens, avec la dose de vulgarité pour avoir l'air hype et pas snob.
A force de faire mine de vomir pendant des pages et des pages sur notre univers artificiel où l'on est tous des cons manipulés, j'ai presque eu envie de trouver une télé pour admirer la pub.

Mystic river, de Dennis Lehane

Une des raisons qui m'ont incitée à écrire ce blog, c'était pour y parler de mes lectures, afin de pallier mes défauts de mémoire. Je lis en effet beaucoup, et je me souviens peu, même, à mon grand désespoir, des ouvrages que j'ai aimés.
Mystic river ne va pas faire partie de ces derniers. Le souvenir qui m'en reste, c'est finalement les images du film que Clint Eastwood en a tiré, et qui y est très fidèle. Et la fin, que je n'ai aimé ni dans le roman, ni dans la version cinématographique. Pourtant je n'ai pas détesté ce polar, car je l'ai lu sans déplaisir ; mais quand il s'agit d'en parler, rien de franchement positif ne me vient. Surgit au contraire avec précision ce que je n'ai pas apprécié : le portrait banal des assassins et une fin bavarde relativement malsaine. Son intrigue est assez captivante, non dénuée de suspense et de psychologie. On n'est pas dans le polar sans âme bourré de rebondissements plus ou moins crédibles, mais bon, sans en parler ici, je l'aurais oublié très vite.

Bleu de chauffe, de Nan Aurousseau

Il y a des gens qui vous séduisent parfois alors qu'ils ne correspondent pas à ce que vous connaissez ni à ce que vous aimez d'habitude ; pour les livres, c'est pareil.
Le premier roman de Nan Aurusseau, dont j'avais entendu et lu les critiques dithyrambiques de Jérôme Garcin notamment, est particulièrement séduisant. Il m'a plu comme me charmerait un homme à l'aspect rustre dont je percevrais la finesse et l'humour.
Ce livre écrit à la première personne raconte l'histoire d'un plombier obsédé par les malversations de son patron. Mais quand on a dit cela, on n'a pas dit grand chose. Bref, il faut le lire.

Etat d'urgence, de Michael Crichton

Histoire de mettre un peu de côté le catalogue Leroy Merlin, j'ai emprunté ce livre à la bibliothèque, avec l'idée que cela serait facile à lire, rapide et prenant. Hum.
Il faut dire que j'avais été agréablement surprise par la lecture de Jurassic park, du même auteur : j'avais pris goût au polar scientifique qui m'apprenait des choses dans des domaines qui me sont parfaitement étrangers. Malheureusement, Etat d'urgence m'a beaucoup déçue. On y retrouve un souci documentaire et scientifique mais poussé à un tel extrême que c'en est lourd lourd lourd. Il est ici question des changements climatiques et des associations écologistes. Crichton nous donne une vision particulière puisqu'il raconte que les bouleversements climatiques dus aux pollutions industrielles seraient un énorme leurre et on y voit des sortes de multinationales écologistes parfaitement corrompues. Il s'agit d'un roman bien sûr, il est long, touffu à outrance et la trame autour des personnages n'a quasiment aucun intérêt, mais il a tout de même le mérite d'aller à l'encontre d'un certain nombre d'idées toutes faites et de faire réfléchir là-dessus : les écolos ne sont pas forcément des bienfaiteurs, l'homme ne détruit pas tant que cela sa planète et il n'y a pas nécessairement de quoi avoir peur de l'avenir.

Rouge Brésil, de Jean-Christophe Rufin

Un pavé, certes. On ne lit pas cela comme on lit Etat d'urgence ! Mais l'intérêt n'est pas le même non plus.
Au XVIe siècle, deux enfants sont envoyés au Brésil avec des soldats français venus conquérir le Nouveau monde. L'auteur romance un épisode réel de la Renaissance. Il s'agit d'un livre dense et riche : la langue est savoureuse, d'abord. Et puis on y voit la confrontation de deux manières d'envisager la nature, celle des français et celle des indiens. On y voit aussi la prégnance des questions religieuses : la querelle entre catholiques et réformés va jusqu'à traverser l'Atlantique et l'on s'immerge également dans l'animisme indien. Les personnages sont nombreux et hauts en couleur, comme les lieux décrits, comme les actions.
Il est impossible de parler des thèmes abordés dans ce roman sans être réducteur ou simpliste parce que tout y est varié et fouillé. J'ai mis cinq semaines à le lire mais je n'ai pas perdu mon temps.

Ensemble c'est tout, d'Anna Gavalda

C'est gros mais ça se lit tout seul. J'avais été rebutée jusque là par les titres à l'eau de rose de cet auteur et puis un jour de flemme où je n'avais pas de livre à lire sous la main, en fouillant dans un carton, je suis tombée sur celui-là et j'ai lu les 600 pages en quelques heures. Personnages truculents, un peu d'humour et un peu de gravité dans l'histoire, le tout bien ficelé, sans longueurs, et le temps passe sans qu'on le voit passer. Que demande le peuple ?

Les Ritals, de Cavanna

Cavanna raconte dans ce récit autobiographique son enfance à Nogent, en mettant l'accent sur son père, le maçon rital à l'accent à couper au couteau, au rire inénarrable, à la gentillesse profonde. L'affection qu'il éprouve pour ce père illettré et inculte est particulièrement émouvante, comme l'est aussi, de façon plus amère, l'image de sa mère, aigrie et méconnue. L'auteur dépeint un milieu pauvre d'immigrés italiens, la rue, les copains, l'école, les premiers émois sexuels, sa fugue romanesque. L'intérêt de ce livre est dans l'émotion qu'il dégage, grâce au style spontané, imagé, souvent drôle, et grâce à l'aspect désordonné de souvenirs et à l'authenticité qui s'en dégage.

Acide sulfurique, d'Amélie Nothomb

Les livres d'Amélie Nothomb ont ceci d'agréable qu'ils se lisent vite et bien, qu'ils sont légers, plaisants et quelques uns mémorables, comme mon préféré, inégalé à ce jour : Métaphysique des tubes.
Acide sulfurique, je l'ai lu rapidement. Et il m'a paru léger. Mais complètement creux cette fois. L'histoire est celle d'une émission de télévision reproduisant un camp de concentration. Je suis largement partisane d'une dénonciation de la vulgarité et même des profonds méfaits de la télévision et de la "téléréalité", qui gomme la frontière entre fiction et réalité, titille ce qu'il y a de plus bête et vulgaire, enlaidit et appauvrit l'intellect. J'en passe et des meilleures. Ce livre, qui se veut manifestement comme une dénonciation violente du spectacle télévisuel moderne, est d'un vide intersidéral. Je n'y ai vu, pour un sujet aussi brûlant que les camps de concentration, aucune polémique, aucune émotion. Rien ne touche, ni les personnages caricaturaux, ni leurs discours bibliques, ni l'ignominie appuyée des organisateurs de l'émission, ni l'émission horrifique en elle-même. Un feu d'artifice mouillé.

L'Adversaire, d'Emmanuel Carrère

L'ouvrage retrace la vie de Jean-Claude Romand, ce faux médecin qui a vécu dans le mensonge pendant 18 ans, jusqu'au jour où il tue ses parents, sa femme et ses enfants. L'auteur raconte aussi son enquête et ses impressions. Le portrait qu'il trace de Jean-Claude Romand est saisissant, car on y voit l'extraordinaire, quasi inconcevable, paradoxe entre un homme que tout le monde trouvait gentil, qui semblait on ne peut plus normal, aimant sa famille et ses amis, et le menteur incroyable qui s'est transformé en monstre. On partage le mélange de fascination et de répulsion éprouvées par Emmanuel Carrère, en étant, comme lui, incapable de trancher et de se faire une opinion définitive. C'est sans doute le plus grand intérêt du livre : au-delà de l'aspect purement informatif, des faits, des témoignages, on se passionne comme l'auteur pour le personnage, sans parvenir à le comprendre, ni à le condamner fermement, ni à le prendre non plus en pitié. Il s'agit en cela d'un livre assez dérangeant, dans la mesure où il nous montre une réalité terrifiante en nous montrant qu'elle est inexplicable, où il constate qu'au coeur de la plus parfaite banalité on peut trouver l'horreur imprévisible.

Le Clan de l'ours des cavernes, de Jean M. Auel

On distingue en général deux types de livres : ceux qui racontent une histoire, qui sont fondées sur l'action, et ceux qui valent pour leur manière de dire, pour leur prose, pour l'émotion des mots. Le premier type a traditionnellement une moindre valeur littéraire que le deuxième, quoique réussir à mener une histoire haletante ne me paraisse pas une entreprise facile, tandis que faire beau et abscons me paraisse une illusion assez aisée à susciter.
Le Clan de l'ours des cavernes, premier tome de la série intitulée "Les Enfants de la Terre", appartient sans conteste à la première catégorie. L'auteur, une américaine férue de préhistoire, raconte l'histoire d'une petite fille recueillie par un clan, à l'aube de l'humanité. Certes, l'écriture n'est pas originale, la psychologie des personnages est banale, mais ce roman a le mérite immense de créer sous nos yeux un monde à la fois étrange et familier. Je ne connais rien à la préhistoire, et la vie de nos premiers ancêtres m'apparaissait comme quelque chose de parfaitement primitif, c'est-à-dire basique et plat. Or, l'existence, les moeurs, les pensées du peuple que nous décrit l'auteur est au contraire d'une grande richesse. Et il semblerait que sa saga romanesque soit saluée par les archéologues spécialistes de cette période.
En dehors du récit - haletant -, de l'intérêt historique - certain -, le roman traite aussi de sujets qui nous touchent, et le regard particulier qu'y jettent les personnages d'un temps si lointain et si différent a le mérite de nous interroger d'une autre manière sur l'importance de choses telles que la tradition, le progrès, la différence, la mémoire, les rapports entre hommes et femmes, etc. Mais il ne ressemble pas pour autant au récit de RoyLewis, Pourquoi j'ai mangé mon père, bien que lui aussi se déroule à peu près à la même époque et nous interpelle sur des problèmes présents : l'objectif de ce dernier est beaucoup plus didactique, au moyen de l'humour fondé sur les anachronismes.

Cliente, de Josiane Balasko

L'histoire est celle d'un jeune homme qui vend sa compagnie et ses charmes à l'insu de sa femme qu'il aime, pour une question d'argent. L'auteur adopte tour à tour le point de vue des principaux protagonistes.
Il n'y a peut-être pas de grande profondeur là-dedans mais une douceur, c'est le mot qui me vient, même pour les passages douloureux, qui rend le roman émouvant. Le personnage le plus réussi est à mon avis celui du jeune homme, mais celui de sa cliente régulière qui prend une place de plus en plus importante l'est aussi. J'ai vraiment bien aimé ce récit, simple et chaleureux. Il est tiré d'un projet de scénario, je crois. Le film mériterait d'être excellent.

Les Particules élémentaires, de Michel Houellebecq

Le seul adjectif qui convient au sentiment que j'éprouve après avoir lu cet ouvrage est : intéressant. Pourtant c'est un mot creux, vaguement prétentieux, plutôt froid ; mais la froideur, justement, c'est sûrement le thème principal du roman. Voici un passage :
"On considèr(e) le plus souvent la philosophie comme dénuée de toute importance pratique, voire d'objet. En réalité, la vision du monde la plus couramment adoptée, à un moment donné, par les membres d'une société détermine son économie, sa politique et ses moeurs. Les mutations métaphysiques _ c'est-à-dire les transformations radicales et globales de la vision du monde adoptée par le plus grand nombre _ sont rares dans l'histoire de l'humanité. Par exemple, on peut citer l'apparition du christianisme. (...) on ne peut pas dire que les mutations métaphysiques s'attaquent aux sociétés affaiblies, déjà sur le déclin. Lorsque le christianisme apparut, l'Empire romain était au faîte de sa puissance (...) Lorsque la science moderne apparut, le christianisme médiéval constituait un système complet de compréhension de l'homme et de l'univers; il servait de base de gouvernement des peuples, produisait des connaissances et des oeuvres, décidait de la paix comme de la guerre, organisait la production et la répartition des richesses; rien de tout cela ne devait l'empêcher de s'effondrer".
Cet extrait se situe dans le prologue et annonce que le récit va raconter l'émergence d'une troisième mutation métaphysique radicale, celle que nous serions en train de vivre et qui se caractériserait par un individualisme poussé à l'extrême, faisant des êtres humains des êtres froids et malheureux. Le lecteur suit la vie de deux demi-frères, l'un qui devient un grand biologiste et l'autre professeur de lettres. Les sentiments humains, tout au long du roman, sont ramenés à des considérations d'ordre biologique et ce matérialisme serait à la base d'une sorte de déshumanisation de l'humain.
Je ne peux pas dire que j'ai aimé et je ne crois pas que l'on puisse l'aimer, dans la mesure où il traite de la faillite des sentiments et qu'il ne cherche donc à susciter aucun engouement, mais au contraire à faire éprouver la grisaille des relations humaines, la dislocation des valeurs sociales. On peut le trouver dérangeant et réussi.

American psycho, de Bret Easton Ellis

Orgueil et préjugés, de Jane Austen

De la littérature de gonzesse ? Pas seulement. Une histoire mièvre ? Pas vraiment. A l'eau de rose ? Certes. Prévisible et sans intérêt ? Certainement pas.
Oui, Orgueil et préjugés, c'est une histoire d'amour dans l'aristocratie anglaise du début du XIXe siècle, avec ses galanteries excessives, ses bals, ses promenades, son oisiveté, ses intrigues amoureuses, ses querelles nobiliaires, etc. Et c'est beau, c'est prenant, c'est plein d'un humour cynique, de tempéraments, et la prose est délicieuse. Je ne sais si l'on doit cette dernière à l'auteur ou au traducteur, ou aux deux, mais les phrases longues et denses glissent délicieusement. Et ce n'est même pas obsolète, malgré le contexte : l'héroïne ne paraît pas datée une seconde, dans la mesure où c'est une femme indépendante et cultivée, même si elle évolue dans un milieu où la femme est surtout frivole. Bref, que du bonheur.

Rencontre sous X, de Didier van Cauwelaert

Les auteurs à succès de romans français aujourd'hui semblent avoir ceci de commun que leurs ouvrages sont rapides et faciles à lire. Je pense à Amélie Nothomb, à Eric-Emmanuel Schmitt et à Didier van Cauwelaert, dont je viens pour la première fois de lire un ouvrage.
Personnages stéréotypés, bons sentiments, histoire improbable. Certes, ce n'est pas prétentieux comme Schmitt. Et on ne s'ennuie pas vraiment, le style est alerte, non dénué d'humour, mais c'est bien tout ce que je peux y trouver de positif. La quatrième de couverture en fait quelque chose de sociologique qui semble en réalité parfaitement caricatural.
Les histoires égocentriques d'Amélie Nothomb sont mille fois plus jubilatoires, incisives et drôles, que ce type de roman mièvre, pseudo contemporain, et ridicule.

Le Guerrier solitaire, de Henning Mankell

Je voulais lire un polar, un de ceux que l'on dévore, dans lequel on s'immerge totalement, en oubliant tout le reste, retrouver un moment d'évasion captivée comme seuls les bons policiers savent le provoquer. Gagné.
Intense sans être frénétique, violent sans excès, psychologique sans être psychologisant, original sans être incroyable, bref, du très bon polar avec tout ce qu'il fait dans la mesure qui convient et en plus cette touche d'exotisme du contexte : la Suède.
J'en veux encore !

La Musique du hasard, de Paul Auster

C'est le titre du livre qui m'a séduite avant de le lire. Du Paul Auster, j'en avais déjà lu mais n'en avais gardé quasiment aucun souvenir. Ce qu'aujourd'hui je ne m'explique pas bien. Mais ce n'est pas tout à fait le propos.
La Musique du hasard raconte la vie d'un américain qui hérite d'une grosse somme et abandonne toutes ses attaches pour partir au volant de sa voiture, jusqu'au jour où il recontre un jeune homme qui vit en jouant au poker. L'histoire (que je n'ai pas racontée) a quelque chose de kafkaïen et c'est probablement ce qui rend ce roman franchement intéressant. Le personnage central dont on partage les sentiments est attachant ; les autres sont surtout étranges, au bord de la caricature, et pourtant consistants et mystérieux. Le récit, de la même manière, est à la fois réaliste et teinté d'absurdité, sans que jamais l'équilibre ne soit rompu. C'est le genre de livre auquel on ne s'attend pas et qui vous habite avec des points d'interrogation une fois refermé.

En l'absence des hommes, de Philippe Besson

Première publication de cet auteur que je ne connaissais pas, ce roman raconte l'histoire d'un jeune homme de seize ans qui, en 1916, fait simultanément deux rencontres décisives : celle de l'amour dans les bras du jeune soldat Arthur et d'une amitié ambiguë auprès de Marcel Proust âgé de 45 ans. Il y a un peu du Diable au corps bien sûr à cause du contexte de la Grande Guerre et des amours interdites et sensuelles, mais la comparaison s'arrête là. L'homosexualité est traitée ici de façon à la fois très crue et jamais brutale, impudique et érotique, romantique et belle. L'auteur écrit à la fois à la première et à la seconde personne du singulier : la narrateur s'adresse aux deux hommes de son histoire, mais en leur parlant intérieurement. C'est un roman sur le silence, sur différents figures du silence, le plus souvent bienfaisantes. Et un grand mérite : faire vivre et parler Proust avec crédibilité et sans prétention en même temps.

Mma Ramotswe détective, d'A.mac Call Smith

Premier opus d'une série, Mma Ramotswe détective raconte comment l'héroïne éponyme en est arrivée à devenir la première femme détective du Botswana, ainsi que ses premières enquêtes. Le personnage est sympathique, il n'est pas désagréable non plus de se retrouver plongé dans la chaleur africaine, et la lecture est plaisante ; mais le récit est un peu trop léger à mon goût, presqu'enfantin, avec ces petites intrigues rapidement et aisément dénouées. Et puis il est souvent question de serpents, beurk.

Cul de sac, de Douglas Kennedy

Cela ne vaut pas du John Irving, ni de nombreux romans du même auteur, mais on passe un agréable moment.
Le récit raconte l'incroyable voyage d'un américain parti à l'aventure en Australie sur un coup de tête et qui se retrouve marié et prisonnier dans une communauté d'affreux en plein bush. Les personnages souvent ne brillent pas pas la finesse de leur portrait (la jeune épousée et son père en particulier, la soeur au coeur tendre non plus) mais l'ensemble se laisse lire avec plaisir pour l'humour et l'action.

Les Jours fragiles, de Philippe Besson

Ce roman sous forme de journal intime raconte les derniers mois de la vie de Rimbaud au travers de sa soeur Isabelle, avec qui il a partagé son agonie. J'aime la pudeur et l'humilité de l'auteur dans son ambition de faire vivre un grand auteur comme dans En l'absence des hommes avec Marcel Proust. J'aime également sa prose lyrique, son attention aux sentiments sans verser dans l'analyse psychologique. Mais j'ai été ici moins émue par les personnages que dans l'ouvrage lu précédemment. Celui d'Isabelle Rimbaud notamment m'a paru manquer d'unité : à la fois désuet et moderne. Quant au poète, je ne l'ai pas trouvé aussi sympathique et coloré que j'aurais aimé. Lecture de parti pris, certes, mais quelle lecture ne l'est pas, surtout lorsque l'on a déjà une image du sujet !

La Fascination du pire, de Florian Zeller

Avis positif mais sans enthousiasme. J'ai bien aimé la pirouette finale, cet énigmatique effet de manche qui clôt le récit de ce voyage de deux auteurs au Caire pour une série de conférences. Ce qui m'a en fait dérangé, c'est que je n'ai pas su ce que l'auteur voulait vraiment raconter. L'histoire part dans plusieurs directions sans qu'aucune aboutisse véritablement : portraits ? réflexions sur l'amour ? fiction moderne sur les rapports de l'orient et de l'occident ? Il y a de tout cela et d'autres sujets encore, pas inintéressants au demeurant, mais on ne sait pas quel est le véritable propos.

L'Aliéniste, de Caleb Carr

Sans laisser un souvenir impérissable, voilà un pavé de près de 500 pages qui se lit sans déplaisir. A la fin du XIXe siècle, à New York, se produisent des meurtres atroces de jeunes prostitués. Une équipe composée d'un journaliste, d'un médecin psychiatre aux théories dérangeantes pour l'époque, d'une femme soucieuse de montrer que son sexe est capable d'autre chose que ce à quoi on le cantonne, et de deux policiers aux méthodes d'investigation et d'analyse modernes, décident de mener l'enquête. Situer ce polar à cette époque et choisir ces personnages laissait croire que ce contexte prendrait une place importante dans l'intérêt du récit et on est finalement un peu déçu : cette bonne idée de départ ne m'a pas paru véritablement exploitée. Mais il n'en reste pas moins que la dimension policière du récit est bien menée et que l'on ne s'ennuie pas une seconde.

Souvenirs d'un pas grand chose, de Bukowski

Bukowski fait partie de ces noms d'auteur que j'avais l'impression de connaître depuis longtemps sans avoir jamais rien lu. Un nom familier auquel étaient rattachées des idées toutes faites du genre : style cru, alcool, scandale. Et puis un jour, l'occasion de me faire une idée plus précise, sinon personnelle, en lisant, pourquoi pas, son autobiographie.
On suit le parcours d'Henry Chinaski, dans les années 30 aux Etats-Unis, et son parcours de misère, de violence et de solitude. Parcours exemplaire dans la noirceur et pourtant, ce qui en ressort et en fait probablement l'originalité, c'est l'absence de lamentation, de plainte et la froideur du personnage. On voit s'éveiller l'envie d'être écrivain mais pas de passion ni de réelle ambition : c'est l'histoire triste d'un fils unique qui grandit dans un milieu violent parce que pauvre, dans une famille sans amour, et qui ne se reconnaît en personne. L'histoire d'une très grande solitude presque intrinsèque qui ne trouve de refuge que dans l'alcool.
Sans avoir lu son oeuvre, il me semble au travers de ce récit que les idées toutes faites ne sont pas loin de la réalité.

Les Cerfs-volants de Kaboul, de Khaled Hosseini

Il s'agit d'un poncif, certes, mais les poncifs ne sont pas toujours faux : rien de tel que la littérature pour voyager.
Les Cerfs-volants de Kaboul offrent un voyage dans l'Afghanistan contemporain : on y perçoit la culture, les moeurs et la langue (les mots afghans sont agréablement disséminés dans les dialogues), au travers de l'histoire d'un enfant de riche qui grandit auprès d'un autre garçon, à la fois son serviteur et son frère. Immersion dans un monde étranger et en même temps familier, dans une histoire d'ailleurs et de tout temps.

Le Monde perdu, de Michael Crichton

J'ai lu il y a quelques années, Jurassic park, dont Le Monde perdu est la suite, et ma critique vaut pour les deux. Contrairement à ce quoi je m'attendais, j'ai pris beaucoup de plaisir à leur lecture.
J'avais vu la première version cinématographique et je m'attendais à la même indigence mais non. Le roman est beaucoup plus touffu, et même riche. Certes, la psychologie des personnages est sommaire et l'histoire bâtie sur des rebondissements à l'américaine, c'est-à-dire incessants, incroyables et captivants. Mais on apprend beaucoup de choses sur les dinosaures et la réflexion sur la prétention de l'être humain à vouloir bouleverser l'ordre naturel des choses est loin d'être idiote, à mon avis. Tout cela disparaît dans le film, mais dans le livre j'ai compris ce qu'était "la théorie du chaos". Bref, deux ouvrages (surtout le premier, plus surprenant, évidemment) qui combleront les amateurs d'histoires fantastiques non dénuées d'une certaine érudition !

C'était la guerre des tranchées, de Tardi

La guerre de 14-18 est une horreur fascinante. Longtemps méconnue, d'apparence lointaine, et incompréhensible, elle apparaît comme un gouffre de barbarie pour peu que l'on s'y penche. A l'occasion d'un voyage scolaire de deux jours dans la Somme au mois de février, j'ai touché du doigt cette période de notre histoire que je connais très mal. La visite des tranchées, de la citadelle de Verdun en particulier, ce lieu terrible de "villégiature" pourtant pour les soldats, les récits, les paysages, les cimetières si nombreux, tout a été profondément marquant. Mais toujours aussi incompréhensible, voire davantage. Le degré d'horreur est hors de portée.
J'ai étudié avec les élèves quelques (magnifiques) lettres d'Apollinaire adressées à Lou, qui donnent une idée du désespoir et de l'angoisse de la mort que le soldat pouvait ressentir. Dans la bande-dessinée de Tardi, qui dit avoir écrit en hommage à son grand-père Poilu, on perçoit, au travers de multiples histoires d'anonymes, le cauchemar de ces quatre années, la folie abjecte de ces affrontements, la souillure profonde des corps et des âmes... On touche à l'indicible.

Un Garçon d'Italie, de Philippe Besson

Troix voix se succèdent tout au long de ce roman : celles de Luca, Anna et Léo. Le premier vient de mourir d'énigmatique façon, la seconde est sa compagne, belle femme de bonne famille, le troisième est son amant secret, un jeune prostitué.
On se prend vite à cette voix fantastique venue d'outre-tombe, qui voit, entend, pense. On suit l'histoire remémorée ce cet homme qui s'est lié à deux personnes très différentes, on s'attache aux âmes des protagonistes, et on attend patiemment la résolution de l'énigme de sa mort.
Mais ce qui est le plus plaisant dans ce livre, c'est la douceur de l'écriture. Il me semble que c'est le mot qui convient le mieux à la prose subtile, lente et vive, qui s'attache à décrire précisément les sentiments des personnages. Même pour évoquer les douleurs les plus violentes, les mots et les phrases sont à la fois justes et doux. Il y a peu de dialogues et peu d'actions, mais grâce à cette qualité d'écriture, on ne s'ennuie pas une seconde.

Geisha, d'Arthur Golden

Le récit consiste en un une autobiographie fictive : celle d'une petite fille de pêcheurs d'un village japonais, qui se retrouve vendue à une okiya, c'est-à-dire une maison qui forme des geishas. Elle va en devenir une, célèbre et convoitée, mais au prix d'énormes souffrances.
L'intérêt de ce roman n'est pas dans l'histoire : le parcours à la Cosette de l'héroïne, la méchanceté caricaturale de nombreux personnages, les sentiments éthérés d'autres ... Bref, rien de bien original dans la narration. Mais nul doute que l'auteur s'est renseigné sur la vie des geishas dans la première moitié du siècle et de ce point de vue, on apprend beaucoup de choses sur les moeurs et coutumes japonaises et sur la transformation du Japon dans ces années-là.

La Ligne noire, de J.C. Grangé

J'avais lu, il y a quelques années de cela, deux romans de JC Grangé et je me souviens n'avoir pas beaucoup aimé : cela me faisait penser à des thrillers américains très esthétiques, bourré d'effets spéciaux, de voyages exotiques, et de rebondissements sanglants. C'est un genre de film que j'apprécie et que j'oublie, mais en polar, je cherche autre chose. Je suis beaucoup plus emballée que La Ligne noire que ce à quoi je pouvais m'attendre même si je peux lui faire des reproches similaires.
L'histoire raconte l'obsession d'un journaliste pour un tueur réfugié en Malaisie et comment il parvient à l'approcher et à comprendre son rituel et sa folie. Je ne serais pas honnête si je niais que j'aie été captivée jusqu'à la dernière ligne. Il n'en reste pas moins que, à peu près aux deux tiers du récit, celui-ci commence à verser dans l'improbable, l'excessif, presque le fantastique. On bascule progressivement dans un autre type de polar, dans le genre "Seven", qui n'est pas sans suspense, loin de là. Mais c'est moins bien.

L'enfant d'octobre, de Philippe Besson

Encore un Besson, et à ce jour celui qui m'a sans doute le plus bouleversée. Publié il y a deux ans à peu près, il relate les péripéties de "l'affaire Villemin". Ce fait divers qui a défrayé la chronique, comme on dit, n'a échappé à la conscience de personne ; il ne m'a jamais intéressée mais j'en avais comme tout le monde largement entendu parler. Dans cet ouvrage, j'ai reconstitué l'histoire dont je ne connaissais que des bribes et le parti pris en faveur de Christine Villemin, la mère de l'enfant qu'on a fini par accuser, m'a considérablement émue. J'ai lu ici et là des critiques assez virulentes contre Besson ainsi que des rumeurs de plainte de la famille contre lui. Je ne vais pas mettre mon infime grain de poussière dans un débat sur la question de savoir s'il a eu raison ou tort d'écrire ce livre, de se servir de cette histoire mille fois utilisée, s'il a travesti la réalité ou non. Curieusement, même s'il fait parler régulièrement la mère, et qu'on a le sentiment d'entrer dans l'intimité de ce drame, et que donc le récit est ouvertement subjectif, on éprouve pourtant une forte impression de sobriété et d'authenticité.

Son frère, de Philippe Besson

Encore un Besson, eh oui. Un peu plus bavard que les autres peut-être, mais toujours avec cette sensualité, cette subtilité dans l'émotion et cette délicatesse. Ici, il nous raconte l'agonie d'un jeune homme que son frère, le narrateur, décrit à deux vitesses : les débuts avec la progression de la maladie, et puis les derniers moments.
Je me suis demandé si c'était autobiographique, et il semblerait que non. Ce récit d'une extrême douleur, physique et morale, est mené sans pathos. Ce qui émeut le plus, c'est sans doute l'intime proximité des deux frères, totale, essentielle, impudique. Ce n'est sans doute pas mon préféré, mais c'est un très beau livre.

Le Combat ordinaire, de Manu Larcenet

J'ai déjà eu l'occasion de le dire, je ne connais rien à la bande-dessinée et c'est un genre qui ne m'attire pas. Pourtant, les BD de Tardi sur la guerre de 14-18 ont été un contre-exemple. En voilà un autre.
Le Combat ordinaire raconte l'histoire d'un jeune photographe, solitaire et angoissé. Je résume très mal un récit qui est à la fois d'une parfaite banalité, comme le souligne le titre, et parfaitement émouvant. Ce sont des petites touches picturales et verbales, qui font tour à tour rire et monter les larmes aux yeux, toujours dans la subtilité, la simplicité, la justesse. Je n'arriverai pas à en faire un éloge qui soit à la hauteur de l'oeuvre ; je ne peux que dire combien cette trilogie m'a touchée pour chaque sujet abordé, qu'il soit grave ou léger.

La Moustache, d'Emmanuel Carrère

Voilà un bon moment que je souhaitais lire ce livre, dont l'histoire m'avait séduite, à l'occasion de la sortie du film (pas encore vu). Ce récit mi-réaliste, mi-fantastique, à partir de quelque chose d'aussi dérisoire qu'une moustache, me paraissait une idée géniale.
Le bilan de lecture est mitigé : le lecteur est maintenu sur le fil du rasoir (sans mauvais jeu de mots) tout au long de l'histoire et pour ça, bravo. Mais l'écriture me paraît très en-deçà de ce que cela aurait mérité. Surtout parce qu'elle est plate, sans originalité. Le personnage de la femme du personnage principal m'a semblé également mal cerné.
Bref, l'idée de départ me paraît toujours aussi géniale, et la conduite du récit bien menée, mais je reste quand même sur ma faim. Le film, peut-être ?...

Une Soif d'amour, de Yukio Mishima

Il y a des livres qui parlent de froideur et qui vous remuent, et d'autres qui vous laissent de marbre. Une soif d'amour entre pour moi dans la seconde catégorie.
J'étais attirée par le biais de Marguerite Yourcenar, dont j'ai appris la le grand intérêt pour cet auteur ; et par la curiosité pour un pays et une culture qui m'intriguent de plus en plus. Déception. Je ne me suis pas sentie immergée dans un véritable exotisme, malgré l'histoire qui se veut exemplaire, selon les critiques, de la société japonaise. Histoire d'amour froide entre une veuve et un jeune domestique, dont je n'ai pas perçu l'originalité ni la profondeur. Il faut dire que tout le récit était en fait raconté par la quatrième de couverture et qu'il semblerait que le texte que j'ai lu ait été traduit de l'anglais lui-même traduit du japonais (NRF Gallimard). Ceci explique peut-être cela.

Le Couperet, de Donald Westlake

Ce roman américain paru en 1997 raconte l'histoire d'un cadre supérieur licencié pour raison de compression de personnel et qui tue ses concurrents potentiels afin de retrouver du travail. Costa-Gavras l'a adapté au cinéma il y a quelques années, avec José Garcia dans la peau du personnage principal.
J'ai lu ici ou là qu'on percevait de l'humour noir dans ce récit. Au contraire, j'y ai trouvé une profonde tristesse. On ne tombe ni dans le sanguinaire ni dans la compréhension, justement ce qui fait à mon avis la force de ce roman c'est son mélange de banalité et d'horreur. Ce meurtrier est d'abord une victime, sans que l'on soit pour autant amené à considérer ses crimes comme quelque chose de juste. Il s'agit d'un roman émouvant et troublant sur le fonctionnement de la société ; un cri d'alarme sur ses rouages insidieux.

De sang froid, de Truman Capote

Ce qui m'a frappé dans ce livre qui date de 1965, c'est à quel point il parle d'événements très contemporains.
L'auteur retrace de la manière la plus minutieuse possible, les circonstances qui ont entouré le meurtre d'une riche famille de paysans américains par deux paumés. J'ai pensé au film Eléphant, au court récit de Maxime Chattam dont j'ai oublié le titre, et à ces faits divers qui défrayent régulièrement la chronique : meurtres sauvages, sans mobiles, sans signes avant-coureurs, sans profil criminel reconnaissable. Cet ouvrage de Capote pose les mêmes questions, sans tomber dans le piège d'essayer d'y répondre : comment est-il possible que des gens "gentils" puissent se transformer en monstres ? Comment un massacre peut-il être exécuté "de sang froid" ? Comment ces meurtriers peuvent-ils ne plus être considérés comme des hommes ?

Prières exaucées, de Truman Capote

L'auteur aurait dit que cet ouvrage (inachevé) était son chef-d'oeuvre proustien. Ben... comme beaucoup, je n'y ai vu que quelque chose de très inférieur à De sang froid !
D'ailleurs, cela n'a pas grand chose à voir. Ce que j'en retiens, c'est que cela m'a beaucoup fait penser à Bret Easton Ellis : il y a, avec quelques dizaines d'années d'écart, la même peinture au vitriol d'une société artificielle, mondaine, dépravée, glacée. Nul doute, à mon avis, qu'Ellis s'est inspiré de ce livre pour les siens, et l'a dépassé. Dans Prières exaucées, il y a encore quelque chose d'humain, et une dénonciation explicite (l'auteur aurait eu beaucoup d'ennuis parce qu'il publiait des anecdotes réelles) ; chez Ellis, la fiction est claire, mais le lien avec la réalité plus fort encore pour le lecteur.

La Reine dans le palais des courants d'air, de Stieg Larsson

Le hasard des emprunts à la médiathèque que je fréquente assidûment fait que c'est le dernier tome de la trilogie que je lis en premier. Mais nul doute que je vais lire les deux autres, et avec beaucoup de plaisir.
Si je n'ai pas trouvé l'originalité vantée par des critiques, il n'en reste pas moins que les 700 pages de ce volume ont été une compagnie fort agréable et prenante autour de ce noël sans fête. Les personnages sont atypiques, notamment l'héroïne, Lisbeth, et l'intrigue est complexe sans être incompréhensible. Marque peut-être des polars nordiques (je pense à Mankell et à Indridason), les auteurs se soucient peu de rendre leurs personnages principaux sympatiques ou même attachants. C'est ce qui les différencie le plus des polars américains, ou même français : qu'il s'agisse d'Harry Bosch ou de Jean-Baptiste Adamsberg, même s'ils sont originaux, voire marginaux, il y a une affection manifeste chez leurs créateurs ; ce qui n'est pas le cas pour Wallander ou Erlendur.

Hannibal Lecter, les origines du mal, de Thomas Harris

First, je n'ai pas lu autres opus de la série concernant le monstre cannibale. J'ai bien envie pourtant, même si je ne suis pas totalement enthousiasmée par celui-ci. Disons que, en toute modestie ou presque, les qualités de l'ouvrage manquent d'approfondissement. Ce qui m'avait plu dans Hannibal, le 2ème film, c'était, qu'aussi monstrueux le personnage soit-il, le film n'était pas manichéen du tout et au contraire brouillait les cartes entre différents types de monstres. Ce livre m'a séduite sensiblement pour les mêmes raisons : le récit retrace l'enfance et la jeunesse d'Hannibal, marquées par les traumatismes mais aussi la culture et l'amour. Je regrette que ce récit qui aurait pu être beaucoup plus troublant sur la destruction d'une âme tombe fréquement dans les clichés, les excès et le manque de nuance. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un portrait de criminel original, qui se...... dévore ?...

Akhénaton le dieu maudit, de Gilbert Sinoué

Akhenaton, c'est ce pharaon époux de Néfertiti qui a fait scandale il y a deux millénaires lorsqu'il a essayé de bouleverser les croyances en substituant au panthéon des dieux égyptiens un dieu unique, Aton. Cette tentative de monothéisme ne lui survivra pas et ses successeurs tenteront d'effacer jusqu'à la trace de son existence. D'où la difficulté particulière de documentation en ce qui le concerne, et les nombreuses controverses.
Gilbert Sinoué a tenté dans son ouvrage un pari audacieux : raconter l'histoire de ce roi, en prenant en compte les différentes interprétations sur son règne, par le biais d'une trame fictionnelle. Deux chercheurs contemporains lisent une correspondance entre deux amis proches d'Akhénaton, lesquels se racontent son histoire. Les deux égyptologues débattent de son authenticité. Mon avis est que l'aspect romancé est très maladroit, et surtout peu crédible. Il n'en reste pas moins que l'aspect documentaire est très intéressant, pour peu que le sujet soit une source de curiosité pour le lecteur.

One man show, de Nicolas Fargues

Dans le genre "je me regarde le nombril sans complaisance", j'ai pensé au Roman russe d'Emmanuel Carrère et c'est sans hésiter que je vote pour Emmanuel Fargues.
Jeune écrivain retiré en province avec sa petite famille, en voyage à Paris pour une émission de télé, le récit est pour beaucoup un monologue intérieur où le narrateur se moque allègrement de lui-même, du monde de l'édition et de la télévision.
J'ai eu du mal à capter le ton, car il est subtilement mi-figue mi-raisin, mais globalement j'ai bien aimé cette histoire sans prétention comme le dit la 4ème de couverture. Le personnage ne se veut pas sympathique ni franchement antipathique, ni original ni dénonciateur. Bref, c'est simple, et agréable,sans superficialité.

Quelques polars...

Quelques bonheurs et plaisirs de lecture ces derniers temps. D'abord, les deux volumes de Millenium de Stieg Larsson qu'il me restait à lire. J'aurais donc lu la trilogie à l'envers et ce n'est pas le plus grave : le plus malheureux c'est que l'auteur est mort et qu'il n'y aura rien d'autre à lire de lui !!! J'ai dévoré les 2 tomes avec frénésie et délectation. La fin du premier tome m'a beaucoup plu, les personnages sont vraiment intéressants, l'intrigue est palpitante, bref c'était génial.
J'ai lu aussi Le Silence des agneaux de Thomas Harris. Très bien. Même quand on connaît bien le film et qu'on l'a aimé, on apprécie un thriller intelligent et original. Sans être impérissable, manquant sans doute de profondeur, notamment pour ce qui concerne l'héroïne Clarice Starling, un peu fade, le roman se lit avec beaucoup de plaisir.
Dans le genre thriller, j'ai lu Les Intrus, de Michaël Marshall, et c'était pas mal également : là, on verse davantage dans le fantastique, et c'est vrai que l'aspect polar y perd, mais j'ai passé un agréable moment.
Enfin, un petit polar français, L'homme à l'oreille croquée, de Jean-Bernard Pouy, à lire dans le bain : l'histoire d'un adolescent qui se retrouve coincé avec une femme dans un accident de train, laquelle est poursuivie par des méchants. Le ton est drôle, l'histoire plutôt originale, ça se lit vite et bien.

(C'est quand même magique que des alignements de lettres, de petits dessins banals et répétitifs, puissent susciter tant d'images, d'histoires, d'émotions...)

Mythologies, sous la dir. de Jérôme Garcin

Reprenant le principe des Mythologies de Roland Barthes, qui décodait notre société en faisant l'analyse des symboles quotidiens, Jérôme Garcin publie une série d'articles de divers auteurs, pour l'essentiel parus dans le Nouvel Observateur, qui sont autant de regards personnels sur les phénomènes du XXIe siècle naissant.
La formule est plaisante à lire et de nombreux articles sont franchement intéressants, soit parce qu'ils remettent en perspective un événement ("Arcelor et Mittal", par Ghislaine Ottenheimer, "La Star Academy" de Benoît Duteurtre, "Le plombier polonais", de Nicolas Baverez, "Parce que je le vaux bien", de Georges Vigarello), soit parce qu'ils sont un regard drôle ou amer sur des habitudes contemporaines ("Le sushi", de Jean-Paul Dubois, "Le football roi" de Bernard Pivot, "La fièvre de l'authentique", de Gilles Lipovetsky).
Il en ressort tout de même la peinture d'une France hypocrite, vieille, artificielle, en bout de course. Ce qui est sûrement la réalité.

Les Reines rouges, de Cavanna

Cavanna, c'est un type que j'aime bien. Je lis toutes les semaines ses articles dans Charlie Hebdo, et que l'on soit d'accord ou pas avec le propos, il y a dans son ton quelque chose qui nous le rend familier, comme s'il nous parlait à nous rien qu'à nous. Et puis, il donne envie d'être fier d'être français, ce qui, par les temps qui courent, vaut de l'or.
J'ai lu de lui Le Hun blond, qui est un autre de ses romans situés dans le monde médiéval. Les Reines rouges, comme Le Hun blond, c'est truculent, historique, plaisant. On sent qu'on se plonge dans une période qu'il aime et connaît très bien. Ses romans ont l'immense mérite de nous apprendre beaucoup, et d'être en même temps drôles et pleins d'une philosophie épicurienne jouissive. Je n'en parle pas bien, désolé. Tout est bon : l'auteur, et ce qu'il écrit.

Le Rapport de Brodeck, de Philippe Claudel

L'adjectif qui me paraît le plus adéquat concernant l'écriture de Philippe Claudel, c'est : délicat. C'est déjà l'impression laissée par la lecture des nouvelles du recueil Les Petites mécaniques, même si je n'avais pas été emballée par toutes. Ici, en plus du style, l'histoire prend vraiment aux tripes. Il y a quelque chose de doux et de dur dans le récit de ce rescapé des camps qui est contraint de relater le crime des habitants de son village.
Ecrit à la première personne du singulier, le narrateur mêle ses souvenirs d'enfance, de jeune homme, de déportation, et la vie de son village perdu on ne sait bien où. On est dans le réalisme et dans l'étrange, dans le familier et l'inconnu, dans la noirceur et la beauté.
Superbe.

Prédateurs, de Maxime Chattam

Fascinée par la trilogie "L'Ame du mal" puis par "Le Sang du temps", c'est en toute confiance et avec une délectation anticipée que je me suis jetée sur "Prédateurs". Quelle déception !
Dire que je n'ai pas aimé serait injuste, comme d'affirmer que je me suis ennuyée, mais je reste fortement désappointée. J'ai le sentiment que les ingrédients qui faisaient l'originalité des thrillers précédents ont été ici très mal dosés, et que du coup, le charme a disparu. Le raffinement dans l'horreur me paraît ici très excessif et peu crédible ; la personnalité ambiguë des personnages est prévisible, voire factice. Si j'étais méchante et en faisant dans la facilité, je dirais que cette fois cet auteur français fait vraiment de l'américain !

Into the wild, de Jon Krakauer

Je ne suis pas une adepte, loin de là, du genre des "histoires vraies", qui signifient, mais j'ai peut-être tort, des relents de dramatisation et de non littérature. En tout cas, ce livre est pour moi un contre-exemple. Il est la narration d'un fait divers : l'histoire d'un jeune américain de bonne famille qui renonce à toute forme de confort et de matérialité pour vivre à l'aventure et finir par mourir en Alaska. Le récit n'est pas chronologique, sa logique est à la fois difficile à décrire et en même temps rend la lecture plus passionnante. L'auteur ne cherche pas de leçon ni vraiment d'explication mais restitue brillamment sa fascination pour ce destin et ce personnage étranges. On suit les étapes de Chris Mac Candless surtout après avoir achevé ses études supérieures, notamment au travers des témoignages recueillis après sa disparition et des notes qu'il a laissées. J'ai un peu pensé à De sang froid de Truman Capote, pour la méthode de l'auteur, et l'intérêt du livre.

Un Léopard sur le garrot, de Jean-Christophe Rufin

Lu dans la journée...
L'autobiographie de l'auteur de Rouge Brésil raconte le parcours d'une vocation, celle de la médecine, liée plus tard à celle de la littérature. Les deux domaines, que l'on pourrait penser très éloignés l'un de l'autre, trouvent ici des parallèles. Le début et la fin du récit sont particulièrement puissants : le début raconte l'enfance de l'auteur, ses liens avec son grand-père et ses premiers rapports déterminants à la médecine, loin de tout cliché ; de très beaux paragraphes sur la littérature concluent le récit. J'ai moins aimé le parcours politique, et les moments où le narrateur perd de son humilité et de son humour.
Le livre vaut surtout par son évocation originale de la médecine, et pour les liens inattendus que l'auteur y a trouvés avec son art d'écrire.

A l'ouest rien de nouveau, d'E. M. Remarque

Y'a des titres comme ça, qu'on connaît depuis des années, qu'on croit presque avoir lu et dont en réalité on repousse toujours la lecture,... bref. Puisque je suis rentrée un peu plus sereine et un peu plus énergique d'une semaine de vacances bretonnes, je me suis jetée dans le boulot. Et un projet me tient à coeur pour l'année prochaine : parler de la guerre de 14-18. A ce sujet, j'ai lu A l'Ouest rien de nouveau, que je croyais connaître, que je craignais chiant... Et c'est bouleversant. Tous mes élèves de première vont y avoir droit en lecture cursive ! Parce que c'est un récit réaliste, cru et dur de la vie des soldats dans les tranchées, parce que c'est un allemand qui parle, parce que c'est court, simple et atroce. Les Tranchées de la haine, quatrième volet de l'excellentissime série des frères Reavley d'Anne Perry, ç'aurait été bien aussi, mais c'est un peu plus long, et plus cher, pour des élèves. Comment la fiction peut-elle rendre compte de la réalité, voilà une problématique qui me passionne, et j'espère partager un peu de mon intérêt avec mon nouveau public !

La Route, de Cormac Mac Carthy

J'ai rarement lu un livre aussi étrange. Survivants d'une espèce d'apocalypse qui a ravagé le monde, ne laissant que des cendres, des cadavres et des ruines, un père et son fils dont on ne connaîtra jamais le nom se dirigent vers le sud, se ravitaillant épisodiquement au gré de ce que qu'ils parviennent à dénicher, craignant et fuyant les rares autres êtres humains qu'ils croisent.
Ce roman a paraît-il eu un succès énorme aux Etats-Unis.
Il appartient à mon avis à ces oeuvres dont on ne peut dire spontanément qu'on les a "aimées", tellement elles sont empreintes de noirceur et donc de malaise. Mais il y a "quelque chose" dans ce récit énigmatique, pessimiste, qui n'appartient à aucun genre reconnaissable. On en sort avec un arrière-goût indéfinissable dont il est difficile de se défaire ; c'est sans doute une qualité pour une oeuvre littéraire.

Shutter Island, de Dennis Lehane

Un polar qui n'en est pas vraiment un, que j'ai dû lire sur une trop longue période pour pouvoir me plonger véritablement dedans. C'est l'histoire de deux policiers qui se rendent sur une île où se trouve un hôpital étrange, qui soigne les criminels les plus dangereux. Retournements de situations à gogo, suspense... Je n'ai pas tout compris, je n'ai pas bien suivi, sans savoir si c'est à cause du bouquin en lui-même ou d'un manque de concentration !

L'Homme qui rétrécit, de Richard Matheson

L'histoire d'un homme qui rétrécit... Sans intérêt. Dans le genre fantastique d'une transformation dérangeante, on pense à La Métamorphose, et cela n'a rien à voir. Le sujet n'apparaît même pas original, le récit est long et répétitif, la psychologie stupide et la fin, une apothéose de niaiserie !

Un Juif pour l'exemple, de Jacques Chessex

Comme le titre le laisse prévoir, il s'agit du récit de l'exécution d'un juif par des fanatiques nazis, en Suisse, en 1942. Intéressant surtout les quelques lignes vers la fin de l'ouvrage où l'auteur explique pourquoi il a écrit cette histoire : c'est celle qu'il a entendue, enfant.